4.11.24
Du rififi au gouvernement fédéral.
Décidément, ça pète... ça pète de partout. Les trois partis au pouvoir : socialdémocrates, verts, et libéraux, conscients que la crise économique que vit l'Allemagne, est grave, sinon très grave, n'entendent pas chercher une solution ensemble. Le chancelier fédéral (socialdémocrate), le ministre de l'Economie et du Climat (vert) et le ministre des Finances (libéral) convoquent chacun des instances représentatives de l'industrie et des syndicats, discutent avec eux et élaborent chacun de son côté des papiers qui, de manière judicieuse ou non, arrivent dans le public.
Quelle est cette cacophonie, inhabituelle pour les oreilles des journalistes français qui s'imaginent un désastre à venir, voire la fin de l'humanité (allemande) ?
Revenons aux fondamentaux : on se rappelle que ce gouvernement fédéral est lié par un contrat de coalition (voir mon blog précédent), qui date du 24 novembre 2021.
Oui, 2021. Depuis, on a assisté et on assiste toujours à divers bouleversements : l'agressivité commerciale chinoise, la misère dans l'industrie automobile allemande, l'arrêt du tribunal constitutionnel fédéral, le Green Deal de l'Union européenne, les incertitudes générées par l'imminente élection d'un président ou d'une présidente américaine, l'invasion de l'Ukraine, la guerre et l'augmentation des prix de l'énergie qui s'ensuit, le chaos au Moyen-Orient. Tous ces aspects n'étaient pas vraiment prévisibles en 2021.
Il y a donc un changement dans la donne et le juriste que je suis ne peut s'empêcher de penser à la clausula sic rebus stantibus, cet élément permettant à une partie au contrat de s'en retirer lorsque les aspects de la réalité qui formaient implicitement la base des négociations des parties pour parvenir au contrat, sont changées dans une mesure rendant l'exécution du contrat intolérable pour l'une ou l'autre partie.
D'évidence les trois chefs de parti (ils le sont tous les trois) l'ont à l'esprit et, je pense, ils envisagent une modification du contrat de coalition, mais certainement pas sa résiliation. En effet, une résiliation aurait pour conséquence politique la démission du gouvernement, or nous savons tous que le parlement fédéral ne serait pas en mesure d'élire un nouveau gouvernement, que la crise politique mènerait à de nouvelles élections et que la conjoncture politique n'y est pas du tout favorable.
Sans compter que cela ne résoudrait pas la crise économique. Ils sont donc condamnés à se mettre d'accord, ce que les associations industrielles leur rappellent avec véhémence. Ce ne sera donc qu'une question de semaines, de mois... et pendant ce temps, les Etats désUnis, la Chine, l'Ukraine et la Russie, l'Europe, l'industrie attendent, ou n'attendent pas.
Post-scriptum : le 06/11/2024, le chancelier fédéral a limogé le ministre fédéral des Finances, qui est aussi le président des libéraux. Le groupe parlementaire des libéraux au Bundestag a dès lors constaté que le contrat de coalition n'avait plus de raison d'être et a demandé aux trois ministres fédéraux de démissionner. Deux ont démissionné ; un ne l'a pas fait (mais il a rendu sa carte du parti libéral).
Que va-t-il se passer maintenant ? Il n'y a aucune suite constitutionnelle automatique, mais le gouvernement ne peut plus compter sur les votes des libéraux ; sa majorité au Bundestag est donc instable. Il a annoncé vouloir déposer, en janvier 2025, donc une fois le budget 2025 adopté, une motion de confiance au Bundestag. La question sera de l'ordre de : le Parlement fait-il confiance à mon gouvernement ? Le vote des députés sera nominatif et, donc, on saura qui fait confiance et qui ne fait pas confiance.
Si la confiance est prononcée, le chancelier fédéral saura qu'il a une majorité. Si elle n'est pas prononcée, alors le chancelier aura le choix : ou le gouvernement démissionne et le Bundestag en élit un autre (mais on se demande bien où il va le trouver), ou le chancelier demande au Président fédéral de dissoudre le Parlement et de nouvelles élections seront alors organisées, sans doute en mars 2025. Il reste une autre incertitude : le Président fédéral n'est pas obligé de dissoudre de Parlement. Un arrêt du tribunal fédéral constitutionnel à Karlsruhe lui impose de vérifier si la composition d'un nouveau gouvernement serait possible, bref de tenter d'éviter la dissolution. Enfin, à supposer que les élections anticipées soient concluantes, il restera alors aux partis (seront-ils deux, trois ?) à conclure un contrat de coalition. Ajoutons trois mois. Bref, l'Allemagne n'aura un gouvernement fédéral qu'en mai, juin 2025.
Le suspense continue... et la crise économique aussi !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire