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27.8.24

Du rififi dans les esprits français au sujet de la Koalition allemande.

On entend de tout à ce sujet, par exemple que la culture du « compromis » serait par essence allemande et que les coalitions – que ce soit au niveaux fédéral ou des Etats fédérés – se feraient quasiment tout seules. On a même entendu un « expert » (sur Arte !) pontifier qu'un coordonnateur aurait arrangé l'affaire de la Koalition tripartite au gouvernement fédéral, ce qui n'a bien sûr jamais existé ! C'est de celle-ci que je vais vous parler ici, mais cela vaudra tout autant pour chaque coalition au gouvernement de chacun des Etats fédérés. La Koalition est fondée sur un traité, un texte de cent-quarante-quatre pages, composé d'un préambule, sept chapitres techniques contenant vingt-neuf sous-chapitres et, en matière de conclusion, un chapitre sur le mode de fonctionnement au sein du futur gouvernement fédéral, et rendu public. Ce texte a été conçu à partir de textes précédents dans lesquels chacun des trois partis (je rappelle : social-démocrates, verts, libéraux), chacun de son côté, ont pu être partenaires, et des promesses électorales faites par chacun des partis pendant la campagne électorale, bref leur identité idéologique. Nous nous trouvons donc au lendemain des élections fédérales (septembre 2021). Le président fédéral vient d'imposer au gouvernement Merkel de gouverner jusqu'à l'élection d'un nouveau chancelier par la diète fédérale nouvellement élue (voir mon N.B. ci-dessous). Le travail concret des trois partis souhaitant former le gouvernement fédéral commence. Chaque parti va désigner un certain nombre de commissions internes, chacun pour soi, qui vont commencer à travailler sur leurs propres textes, à hiérarchiser, à prioriser les sujets de la politique à venir ; et à travailler sur les tactiques à mettre en œuvre pour entrer intelligemment dans le traité à venir. Dans ces commissions, on trouvera, pour chaque parti, les députés nouvellement élus, des personnalités politiques autres, des députés dans les diètes des Etats fédérés, des experts proches du parti etc. Une fois acquis ce travail de préparation des commissions de chaque parti, les instances dirigeantes des trois partis vont s'entendre sur la composition des commissions inter-partisanes, des nombreuses sous-commissions thématiques et sur le calendrier de leurs travaux. Toutes ces commissions et sous-commissions vont alors commencer à travailler, à s'accorder sur un programme de gouvernement, et cela peut durer des semaines, sinon des mois (de septembre 2021 à décembre 2021). Le résultat sera le traité (appelé aussi contrat de coalition = Koalitionsvertrag). La composition du gouvernement étant réglée dans le traité, il reste plus qu'à le former, ce gouvernement fédéral... et à commencer le travail de gouvernement, à faire fonctionner le traité ; et c'est maintenant que s'exprime le reste de complexité politique, sous le contrôle d'une « commission de la coalition » composée des membres du gouvernement et d'autres personnalités influentes. C'est au sein de cette commission que sont choisis les thèmes contenus dans le traité qui doivent, au moment donné, faire l'objet d'un traitement politique, projet de loi ou décision d'autre nature gouvernementale, et ces thèmes seront choisis ainsi que le traitement qui sera fait, en fonction de négociations du genre « Si je te donne ceci, donne-moi cela... », ce qui, à deux partis, semble peu complexe, mais le devient lorsqu'on est en présence de trois partis. Bref, le contenu du panier de négociations fait l'objet d'âpres discussions. En conclusion, contrairement à ce que pensent les "experts" français, il n'y a pas de baguette magique dans la politique allemande, et il n'y a pas vraiment de compromis ; il y a des transactions. Cependant, l’urgence et l'importance de faits non prévus au traité de coalition – par exemple, une guerre en Europe ou un arrêt intempestif du tribunal constitutionnel fédéral – va dérégler la mécanique, et la recherche de la ligne à suivre en la matière – nonobstant la compétence constitutionnelle supérieure du chancelier fédéral – se fera non pas dans les salons de la chancellerie, mais en public, avec les rancœurs que l'on imagine. N.B. : Madame A. Merkel avait perdu les élections. Elle est resté chancelière, imperturbable comme à son habitude ; elle a gouverné sans aucune restriction (sauf une : elle ne pouvait pas demander à la diète fédérale une motion de confiance. Son ministre des Finances était Monsieur Olaf Scholz, qui était aussi le leader du parti social-démocrate et qui avait vocation à devenir chancelier. Il emmènera avec lui trois des ministres du cabinet Merkel (Mmes Lambrecht et Schulze, ainsi que M. Heil) dans son cabinet à venir.

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